Conversation entre deux femmes en tech

Les hommes ont été privilégiés pendant longtemps. Ils ont eu la chance de parler quand ils veulent, de dire haut et fort ce qu'ils pensaient sans se heurter aux conséquences. Leur opinion a toujours été valorisée. Aujourd'hui, les "minorités" (je mets des guillemets parce que les femmes ne sont pas une minorité) veulent se retrouver ensemble et discuter pour trouver des solutions. Bien que le concept soit rassembleur et important, ils n'aiment pas l'idée de ne pas être au courant de ce qu'on se dit. Ils ont peur de ne pas être en mesure de contribuer ou de donner leur opinion.

À Montréal, nous n'avons pas la toxicité qu'on a l'habitude d'entendre sur les États-Unis. Les gens que je rencontre sont en majorité curieux d'en savoir plus et quasiment tout le temps, pas ou mal informés de la situation. À l'issue de la discussion, ils réalisent tout ça et demandent (quelques fois) comment aider. C'est somme toute, assez positif.

Mon projet amène des confrontations quelques fois. Je comprends que ça ne plaise pas à tout le monde. Il faut savoir quand le débat en vaut la peine. Une fois, je n'ai même pas voulu débattre, je suis passionnée et j'ai beaucoup de fougue, mais s'est trop souvent terminé avec un "T'es une sorcière!" ou "T'es agressive!" C'est sexiste! Depuis, j'essaye d'être plus posée, mais dans ces cas-là, on m'accuse de ne pas "être passionnée". Ça ne finit jamais.

Non. On n'en fait pas assez, mais j'avoue qu'en 2017, une nouvelle tendance s'est amorcée. Le nombre d'événements parlant de diversité et de femmes se sont multipliés. Il y a Queer Tech MTL, Lesbians Who Tech et bien sûr les vétérantes de Ladies Learning Code. La difficulté est toujours de sortir du groupe de convaincus et d'atteindre ceux qui sont neutres.

Si tu es un allié, il faut que tu saches quand laisser aller. Oui, c'est bien, tu nous appuies, mais appuies-nous dans les situations importantes. Laisse-nous parler, laisse-nous nous réunir entre nous. Le meilleur exemple que je puisse donner, c'est Black Lives Matter. En tant qu'alliée, je peux les soutenir dans leur combat, mais je ne peux pas dire que je comprends ou que je vis la même chose. Je n'ai pas à donner mon opinion non plus sur ce qu'ils devraient faire. S'ils ont besoin de moi, je vais être là pour les soutenir. C'est la même chose pour le féminisme.

Je le vis comme toi lorsque tu reçois des messages tellement idiots que tu ne veux pas y répondre: je les laisse faire. Si c'est un commentaire où la personne est ouverte à la discussion, ça va me faire plaisir d'en jaser, sinon, je passe au suivant.

C'est toujours dur d'y réagir. Tu te demandes où est-ce que le mouvement a échoué et ensuite tu te rappelles qu'il a été longtemps malmené par les médias. Ce n'est que depuis peu qu'être féministe est rendu acceptable. L'importance du féminisme est tellement grande et nécessaire aujourd'hui. Quand les femmes disent qu'on n'a plus besoin de se battre parce qu'on a atteint "l'égalité", c'est faux! Aujourd'hui, le sexisme est caché. Il est plus sournois, plus subtil. Il est toujours là. C'est super émotionnel comme féminisme parce qu'il est beaucoup moins évident à saisir. Ceci dit, le combat est toujours valable et valide. Ce n'est pas parce qu'on n'en parle pas que ça n'existe pas. Aussi, faut se rappeler que les féministes ne sont pas contre les hommes. Elles sont pour l'égalité. C'est la première chose que l'on veut. Être traitées comme égales.

On n'en parle jamais assez. On est toujours plus fortes ensemble que seules. On l'a prouvé non? C'est toutes ensemble que nous sommes fortes et c'est ensemble qu'on va faire changer les choses. C'est ça le but d'Espace L: se soutenir et trouver des solutions. Le truc avec les scandales de harcèlement aux États-Unis c'est que personne ne disait rien. Quand les femmes se sont réunies et on dit: "C'en est assez de ne pas être prise au sérieux!" ça a fonctionné!

Je ne serais pas là-dedans si je ne pensais pas qu'il y a une finalité heureuse à tous ces efforts. En ne faisant rien, rien ne peut arriver. Je crois sincèrement au fait que actions = résultats. La parité ne sera peut-être pas atteinte de mon vivant, mais au moins j'y aurai contribué.